Réalisation de deux livres du silence en hommage au poète italien Claudio Claudi.
Qui a-t-il de plus silencieux qu'un livre déchiqueté ou qu'un livre noyé.
Cette installation, faisant référence au mur des lamentations de Jérusalem, est avant tout une version actuelle de ce mur, une paroi faisant office de mon espace privé pour vos lamentations/confidences ... Je me substitue ainsi à Dieu, dans son rôle de créateur.
La lecture du travail se fait sur trois niveaux:
* Tout d'abord, je représente par le biais de textes imprimés dans diverses langues choisies au hasard, des prières, doléances, lamentations ... passées. Elles sont les traces d'écrits issus de la mémoire, certaines d'authentiques phrases recueillies du vrai mur des lamentations, d'autres prises parmi des connaissances et amis.
* Ensuite, je disperse sur mon mur des empreintes de dents de personnes réelles, nommées et datées. Elles deviennent d'un côté le symbole de toutes les lamentations du mur, de l'individu vers l'homme en général, de leur besoin vorace de voir leur lamentation se réaliser. De plus, elles se transforment en support de nouveaux textes.
* En dernier niveau, j'installe un socle avec des feuilles à intégrer entre les empreintes de dents. Tout comme le mur des lamentations de Jérusalem, les visiteurs peuvent venir y insérer leur texte. Ces papiers seront par la suite ouverts, lus et gardés secrets.
Meat me
Ce travail comporte deux volets:
a) un travail plastique en volume de Jean-Claude Salvi
b) une trace photographique de ce volume de Véronique Kolber
a) Concernant le travail plastique:
L'idée part d'un message email exposant les dangers d'une colle à viande utilisée dans l'industrie alimentaire, le transglutaminate activa EB. Cette colle, largement utilisée dans la consommation de viande, permet de ressouder entre eux des morceaux de viande divers. En partant de petits dés de viande moins nobles, il devient possible de recréer de belles entrecôtes, tournedos... Le consommateur ne fait plus de différence entre une viande recollée et une viande naturelle.
Bien évidemment, il y a derrière tout cela des enjeux financiers considérables.
Toutes les horreurs s'avèrent alors envisageables, comme par exemple la combinaison d'un morceau de viande (ou poisson) tendre et d'un morceau plus dur, d'une pièce jeune avec une pièce vieille ou bien moitié porc, moitié bœuf...
L'union européenne a émis un avis négatif concernant cette colle, qui est déjà interdite sur de nombreux pays d'Europe. L'Allemagne, de laquelle je tiens ce produit, continue de l'utiliser dans son alimentation.
Après de nombreuses informations recherchées sur le sujet, il me semblait évident de devoir faire un travail plastique qui pointerait du doigt sur les déviances de notre système alimentaire. Comment réussir à faire consommer toujours plus à des prix défiant toute concurrence?
La pensée était née de créer un volume en viande. Comme les préoccupations qui tournent autour de la nourriture sont aujourd'hui au cœur de l'actualité, qu'il s'agisse du bio, des OGM, de la traçabilité de la nourriture..., le citoyen s'identifie de plus en plus avec ce qu'il mange. On pourrait presque dire: "Tu es ce que tu manges." ou plutôt: " Tu deviens ce que tu manges." Découlant de là, et me considérant moi-même comme partie intégrante de ce système de consommation, j'ai voulu représenter mon portrait comme reflet de ce discours. Mon autoportrait devient simplement le symbole d'une forme de surconsommation. Je suis en quelque sorte un des cobayes de cette société.
Le message général de ce travail pourrait également se résumer par: jusqu'où peut-on aller dans une société de consommation, afin d'atteindre ses objectifs. Mon travail n'est que le reflet des dérives possibles, et la colle utilisée n'en est que l'outil.
L'installation "Meat me" est présentée dans un congélateur avec face vitrée. La température oscillant entre -1 et 1 degré, la viande se conserve le temps de l'exposition.
Comme cette production est éphémère et liée à la trace de quelque chose qui était vivant et réel, une collaboration est née avec une photographe pour qui ce thème est une
préoccupation artistique. Il y a donc en parallèle une série de trois grandes photos présentées au mûr.
b) Concernant le travail photographique:
En travaillant habituellement autour des thèmes du passé et de l'éphémère, ainsi qu'autour du portrait photographique, le projet de Jean-Claude Salvi m'a immédiatement captivé.
Les trois photographies présentées apportent après coup une notion supplémentaire à l'installation, une vision qui dépasse largement la nécessitée de garder une trace visuelle de l'éphémère. Tandis que Jean-Claude Salvi donne une forme précise à une masse de viande, mon travail lui donne une personnalité et une âme. Par un jeu d'éclairages et de positionnement, la chose devient un être à part entière. C'est ainsi que l'esthétisation de l'objet lui insuffle des airs de réflexion, presque le don d'une vie à un corps mort.
Au rythme d’un goutte-à-goutte qui vous transforme.
Un travail qui reflète une vision du temps qui passe et que le confinement a parfois rendu médical.